Édito du président de S.O.S Amitié Paris Île-de-France

Chers amis de S.O.S Amitié Paris Île-de-France,

Depuis la crise du Covid nos appels ont augmenté de 30%. Mais ce qui a été aussi le plus surprenant, c’est la hausse durable des appels des plus jeunes qui avant la crise préféraient des médias écrits comme le chat ou le mail. Différentes études et analyses publiées cette année confirment notre constat.

Les effets des confinements sur les plus jeunes

Le dernier rapport de la DREES montre les effets du confinement sur le nombre de suicides avec un constat contrasté : les décès par suicide ont baissé respectivement de 20 % et 8 % durant les deux confinements de 2020 par rapport aux années précédentes. Les passages aux urgences et les appels aux centres antipoison pour auto-intoxication ont aussi diminué pendant le premier confinement et au cours de l’été 2020 par rapport aux années précédentes. Les hospitalisations en court séjour pour lésions auto-infligées, utilisées pour estimer le nombre d’hospitalisations pour tentatives de suicide, baissent également de 10 % en 2020 par rapport à la période 2017-2019.

En revanche le rapport note que le constat est moins heureux pour les jeunes et il est plus marqué pour les jeunes femmes : « Une forte hausse du nombre de gestes suicidaires chez les jeunes, en particulier les jeunes femmes, à partir du second semestre 2020.

Des statistiques qui restent cependant alarmantes en 2022 pour les plus jeunes

La fin des confinements et la levée progressive de la plupart des restrictions liées au Covid 19 laissaient espérer un regain d’optimisme ou au moins un apaisement pour les plus jeunes avec notamment une reprise de la vie sociale. Mais ce n’est pas le cas. Les bulletins de santé mentale publiés par Santé Publique France jusqu’à celui d’octobre 2022 montrent que les passages aux urgences pour gestes suicidaires et idées suicidaires restaient à un niveau élevé pour les moins de 18 ans. Ils étaient même en évolution par rapport aux années 2018-2020. Et ce constat est plus fort pour les filles et les jeunes femmes.

D’autres indicateurs en hausse comme les troubles de l’humeur et les troubles de l’alimentation confirment cette tendance. Dans les centres antipoison, les appels pour prise volontaire de médicaments ou autres toxiques sont en 2022 quasiment deux fois plus nombreux concernant les 12-24 ans qu’avant le Covid 19 et ici aussi les femmes sont les plus concernées.

Il est bon de rappeler que d’après les derniers chiffres disponibles et datant de 2017, avant la crise du Covid, le suicide est la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans, derrière les accidents de la route, partout dans le monde. En France, il cause entre 300 et 350 décès de jeunes par an dans cette tranche d’âge, dont trois fois plus de garçons que de filles

S.O.S. Amitié, thermomètre social de cette période de crise.

Les chiffres que collectent l’ensemble de nos associations locales pour l’Observatoire des souffrances psychiques [4] montrent des tendances similaires et confirment le rôle de thermomètre social de S.O.S. Amitié. Pour l’année 2021, la première souffrance des personnes qui appellent S.O.S Amitié relève de la santé psychique (dépression, angoisse, maladies mentales). Avant la crise, c’était la solitude qui arrivait en tête et qui est maintenant reléguée à la deuxième place. Ce qui est révélateur de ce malaise social, ce sont les pensées suicidaires qui restent à un niveau élevé : 17% des appels soient 3 points de plus qu’en 2017.

Les moins de 25 plus présents au téléphone.

Mais ce qui est nouveau c’est que les jeunes nous appellent de plus en plus, alors qu’avant la crise ils préféraient des canaux comme le chat et le mail. Les 15-24 ans représentent en 2021, 17% de nos appels, tandis que cette tranche d’âge représente 12% des Français au 1er janvier 2022 (chiffre Insee). Cette préférence pour l’écrit ne s’est pas atténuée avec la levée de toutes les restrictions, preuve d’un malaise plus profond et plus durable.

Ces jeunes de moins de 25 ans dans leurs appels évoquent davantage le suicide que les plus de 25 ans. Par chat, 28% des moins de 25 ans évoquent le suicide (18% pour les plus de 25 ans), par mail, 41% (21% pour les plus de 25 ans) et par téléphone, 28% (14 % pour les plus de 25 ans). cf Observatoire des Souffrances Psychiques S.O.S Amitié 2022

Un enjeu de formation et de recrutement

Notre écoute est généraliste et garde toute sa pertinence même avec cette tranche d’âge. Nous avons bien entendu orienté ces derniers mois nos formations à ce contexte avec des modules sur l’écoute des appels de personnes suicidaires, l’écoute de la souffrance psychique, mais aussi sur l’écoute des adolescents et leurs spécificités. Nous devrons continuer ce travail.

Nous devons continuer notre recrutement et nous allons aussi renforcer notre présence sur les créneaux horaires où les appels sont le plus nombreux afin de répondre de façon homogène à toutes les catégories d’appels que nous recevons quel que soit l’âge de la personne qui appelle et quel que soit le degré de crise de son appel.

Nous devons enfin mieux nous faire connaître de cette tranche d’âge pour qu’ils aient le réflexe de nous appeler. Notre écoute « vise à desserrer l’angoisse », ce qui peut être vital et décisif pour les plus désespérés d’entre eux.

Mais la baisse des dons déjà constatée en 2021 constitue une menace sérieuse pour l’avenir

L’année 2020 avait marqué un léger rebond des dons après 10 ans de baisse ininterrompue. Malheureusement nous enregistrons en 2022 une nouvelle baisse, supérieure à 10 %. À un moment où notre action est plus que jamais nécessaire notamment vers de nouveaux types d’appels, nous sommes inquiets.

Nous craignons que notre volonté sans faille d’œuvrer pour une société plus humaine, plus fraternelle, plus solidaire, soit entravée par l’insuffisance des dons, qui ne couvrent que 50 % de nos dépenses. Bien sûr, nous ne ménageons pas nos efforts pour diversifier nos ressources en sollicitant des subventions publiques et privées dans notre cadre régional. Mais les collectivités territoriales comme les financeurs privés (entreprises, mécènes) interviennent pour l’essentiel dans le cadre de nouveaux projets. Le nôtre est né il y 60 ans et c’est un projet permanent, qui a une date de naissance (1961) mais ne sera jamais terminé.

C’est pourquoi je me tourne vers vous, qui êtes à nos côtés, pour nous aider à continuer notre mission. Vous, moi, nos proches, et tant d’autres ont eu ou auront un jour besoin de S.O.S Amitié. Peut-être avez-vous la possibilité de donner un peu plus, ou d’inciter votre entourage à rejoindre les rangs de nos donateurs ?

Merci, du fond du cœur, pour ce que vous ferez.

Laurent Le Boterve

Président S.O.S Paris Île-de-France